PREHISTOIRE & HISTOIRE

PREHISTOIRE

Préhistoire et protohistoire de l’aire sénégambienne

Après plus d’un siècle de recherches préhistoriques et archéologiques, il a été possible de définir, au Paléolithique archaïque, une civilisation de galets aménagés qui s’est épanouie surtout en Haute-Gambie (Kédougou).

L’installation humaine remonterait au moins au Paléolithique inférieur où apparut la civilisation acheuléenne avec ses bifaces (pierres taillées sur deux faces) et ses hachereaux ; mais, dans les gisements, les restes humains font défaut. On situe cette civilisation entre 50 000 et 150 000 ans. Ce repérage chronologique suggère l’âge de la plus vieille présence humaine en Sénégambie ; la vallée de la Falémé a livré les éléments les plus importants.

Des bifaces de cet âge ont été recueillis dans la presqu’île du Cap Vert (pointe de Fann), ainsi que des petites haches, œuvres des pithécanthropes, dans le Sud-est sénégalais (Djita, Saré).

L’étude des strates des roches sédimentaires (stratigraphie) ne permet pas encore de distinguer nettement un Paléolithique moyen et un Paléolithique supérieur. Cependant, on a retrouvé au Sénégal des pièces d’une industrie utilisant la technique  » Levallois  » (débitage systématique des pierres permettant avec le même poids de silex de produire cinq fois plus d’outils), typique du Paléolithique moyen. Quelques racloirs, de nombreux grattoirs et des noyaux circulaires avec éclat (fragments courts), caractéristiques de l’industrie dite  » moustéroïde « , ont été découverts dans la presqu’île du Cap Vert (cap des Biches, Bargny Ouest, Yarkam Ndiaye, Bargny Nguer), à Sébikhotane ainsi qu’à Richard Toll et sur- des sites de la moyenne et basse vallée du fleuve Sénégal (Diamal, Kaédi, Mbagne…).

L’industrie  » moustéroïde  » a servi de base à une autre industrie d’âge mal défini, quelquefois rattachée au paléolitique supérieur, appelé Tiemassassien, du nom du principal site (Tiémassas) localisé au Sud-est de Mbour. On y trouve de nombreux bifaces, des têtes de lances, de flèches et de javelines attestant l’existence d’une humanité néolitique.

Le Néolitique, au cours duquel l’homme passe de l’état de prédateur à celui de producteur, est la période préhistorique la mieux représentée dans l’aire sénégambienne. La diversité de l’outillage recueilli montre qu’il y a eu plusieurs civilisations néolithiques, dont les origines, le nombre, la durée et les liens restent difficiles à préciser.

On a observé l’évolution de plusieurs faciès culturels :

– au cap Manuel (Dakar), l’industrie se caractérise par un outillage macrolithique. Il s’agit d’outils allégés présentant l’aspect de pics et de haches ;

– le faciès de Bel Air, dans la presqu’île du Cap Vert, a fourni un matériel conservé à l’IFAN de Dakar. On trouve aussi ce faciès dans les dunes du Cayor. Cette industrie a produit un outillage microlithique de silex ainsi que des pointes. Le faciès a vu l’épanouissement d’un art céramique avec des poteries de diverses formes (lac Tanma au nord-ouest de Thiès)

– le Néolithique du littoral est marqué par des amas coquilliers (Casamance, Sine-Saloum, région de Saint-Louis). Dans les gisements de Khant (vallée du Sénégal), on a trouvé un dallage constitué d’ossements durs (hippopotames, lamantins, crocodiles)

– le Sud – Est sénégalais a livré des vestiges culturels d’un faciès riche en outillage poli fait avec des roches diverses (grès, jaspe, hématite, dolérite …).

Les divers faciès reconnus au Sénégal ne paraissent pas résulter d’une évolution sur place d’industries paléolithiques. L’espace sénégambien semble donc constituer un finistère où viennent s’échouer des civilisations déjà élaborées à l’intérieur de l’Ouest africain.

Les sites protohistoriques parsemant le territoire sénégalais sont très nombreux. Ils témoignent d’une occupation humaine particulièrement dense dans les vallées ainsi qu’aux lisières du Cayor, du Jolof (ou Djolof et du Baol. Les amas coquilliers du littoral (région de Saint-Louis, Petite Côte, Casamance) et les tumulus » de sable ( » banar  » du pays wolof,  » podom  » du pays sereer) qui servaient de tombes sont typiques de cette période.

La zone des mégalithes est étirée d’ouest en est entre Kaolack et Goudiri. Enfin, des ateliers de métallurgie (forges) ont été découverts en Casamance et dans la moyenne vallée du Sénégal où le site de Sinthiou-Bara fait l’objet de recherches intensives (objets de laiton, de cuivre et d’or).

D’après Iba Der Thiam – Atlas du Sénégal – Edition Jeune Afrique, 2000

 

 

HISTOIRE

Le Sénégal précolonial

L’inventaire des sites préhistoriques et les données fournies par la tradition orale conduisent à penser que le peuplement du Sénégal précolonial s’est effectué à partir du nord et de l’est, avec l’arrivée de plusieurs vagues migratoires

Les premiers arrivés, appelés  » petits nègres « , ont été progressivement refoulés vers le Sud par les  » grands nègres « .

La dernière grande invasion serait celle des Wolof, des Peul et des Sereer (ou Sereer), appartenant tous au groupe Bafour dont l’éclatement en plusieurs rameaux semble en corrélation avec la pression almoravide. Sur le haut fleuve, le Namandirou, pays riverain de la Falémé, a servi de lieu de transit et de passage pour les Manding avançant vers la Sénégambie et se mêlant d’abord aux Soninké. puis aux Sereer et aux Wolof.

L’histoire du Sénégal précolonial est surtout caractérisée par l’existence de royaumes ou d’États qui furent progressivement morcelés.

La formation de l’empire du Jolof (ou Djolof), contemporaine de l’expansion almoravide, est attribuée à Ndiadiane Ndiaye, probable fils du chef alimoravide Aboubacar Ben Omar et de Fatoumata Sall. De cette union naquit Abou Dardaï qui finit par porter le nom de Ndiadiane en raison des miracles qui entourent sa venue au Jolof.

Au XV siècle, l’espace compris entre les fleuves Sénégal et Gambie appartenait à une seule entité politique : le Jolof. À la faveur de l’affaiblissement de l’empire du Mali, le Gabou s’en détacha et devint un État indépendant s’étendant de la Gambie au nord de l’actuelle Guinée-Bissau.

Au XVI siècle, les dissidences du Cayor, du Baol, du Wallo, du Sine et du Saloum eurent raison de son unité. Le Jolof se réduisit aux limites d’un royaume très modeste.

En 1512, après de longues pérégrinations, les Peul, sous la direction de Tenguella et de son fils Koly, fixèrent leur habitat au Fouta Toro et créèrent un État, le Fouta Deyanke qui y subsista de 1512 à 1776. Cet État fut mis à rude épreuve par les Maures qui espéraient le soumettre à leur autorité.

Après avoir proclamé son indépendance, le Gabou essaya de tirer parti de sa position de contact entre les Européens et leurs alliés du littoral d’une part, et les Diola de l’arrière pays d’autre part. Les immenses avantages matériels qu’ils reçurent des uns et des autres incitèrent les souverains à renforcer leur autorité sur les différentes provinces. Mais les sociétés Baïnouk et Diola refusèrent de dissoudre leur identité dans celle du Gabon et s’enfoncèrent dans leurs forêts où elles pouvaient conserver leur autonomie et leurs genres de vie.

Au XVIII siècle, les méfaits de la traite affectaient toutes les catégories des sociétés africaines. On assistait alors à un grand émiettement politique ; les entités étaient circonscrites à des ethnies passant le plus clair de leur temps à se faire la guerre.

Pendant la même période, les Diola manding impliqués dans le trafic négrier répandirent l’islam le long de leurs itinéraires. Les néophytes se servirent de cette religion comme arme de combat pour essayer de refonder leurs entités politiques sur les plans social, économique et moral.

Des royaumes au  » temps des gouverneurs  » : la conquête coloniale

Au début du XIXe siècle, les possessions françaises sont peu nombreuses, dispersées et de faible étendue. Héritiers des comptoirs de traite esclavagiste établis au XVII siècle, ces points de rencontre du commerce maritime et continental n’ont alors qu’une activité réduite : c’est le cas de Saint-Louis, Gorée, Rufisque, Portudal ou Joal, tandis que certains centres, tel Podor, sont ruinés ou détruits. Jusqu’à l’arrivée de Faidherbe et à la diffusion de l’arachide comme culture commerciale, les progrès de l’impérialisme restent limités quelques gouverneurs tentent de relancer le commerce de la gomme sur le fleuve Sénégal, mais la reconstruction des établissements de traite se heurte à l’hostilité des populations maures et toucouleur. En 1822, alors que les Anglais contrôlent le trafic sur la Gambie, Gorée fonctionne comme un port franc mais les activités commerciales sont partout réduites, en particulier le long du Fleuve où les négociants sont soumis au système des  » coutumes « . taxes douanières imposées par les Maures qui domine la rive droite.

A partir de 1850, la politique coloniale française change : les besoins accrus en matières premières destinées aux industries manufacturières et la progression de  » l’idée coloniale « , favorisée par les rivalités impérialistes, conduisent à une stratégie d’occupation et de mise en valeur à partir des anciens comptoirs. L’espace sénégambien devient alors un objet de conquête, une première étape sur la route du Soudan occidental. Cette politique est mise en œuvre par Faidherbe : en dix ans (1854-1864), tout le littoral compris entre les fleuves Sénégal et Saloum passe sous la domination française, des postes militaires sont construits en Casamance, et des traités de protectorat permettent de contrôler la vallée du Sénégal malgré la vive résistance d’El Hadj Omar Tall (attaque de Médine, puis repli vers l’est pour construire un État indépendant).

L’expansion coloniale est accélérée après 1876 ; il s’agit d’atteindre le fleuve Niger, ce qui implique un contrôle total du Sénégal. Les campagnes militaires se heurtent alors à de violentes résistances intérieures : Maba Diakhou Ba tente d’unifier les pays situés au nord de la Gambie et Lat Dior Diop au Cayor ; Alboury Ndiaye et Mamadou Lamine Drame, sur le haut Fleuve et au Boundou, s’opposent par les armes à la pénétration coloniale. En Casamance, la résistance est conduite par des chefs religieux comme Fodé Kaba Doumbouya, mais elle est aussi l’œuvre des populations forestières, en particulier en pays Diola et Balant. L’absence de coordination de tous les mouvements et les rivalités internes ont cependant favorisé la mainmise extérieure : en 1891, la conquête est pratiquement terminée. Alors commence le  » temps des gouverneurs « .

De l’ordre colonial à l’indépendance

Les limites administratives de la colonie fusent fixées. en 1904, après la création de l’Afrique occidentale française (AOF-1895) et le transfert de la capitale fédérale de Saint-Louis à Dakar (1902) -, celle-ci, détachée du Sénégal, formait un territoire particulier, Saint-Louis demeurant la capitale du pays jusqu’en 1957.

Tandis que la construction du chemin de fer Dakar-Niger favorise la diffusion de l’arachide dans les campagnes, l’accroissement de la production s’accompagne alors d’une véritable conquête agricole à l’est du pays wolof, sous la conduite des marabouts mourides.

Jusqu’en 1945, l’organisation politique du Sénégal est une parfaite illustration de  » l’ordre colonial  » : du commandant de cercle au gouverneur règne un système hiérarchique, autoritaire, immuable. Seuls les natifs des  » quatre communes  » (Dakar, Gorée, Rufisque, Saint-Louis) ont le privilège d’élire leurs conseils municipaux et d’envoyer un député au Parlement français (Blaise Diagne est élu en 1914) ainsi naît une classe politique sénégalaise, qui va trouver un terrain d’expression parlementaire après la Seconde Guerre mondiale avec les institutions créées par la nouvelle politique coloniale.

Dès 1945, deux députés sénégalais, Lamine Gueye et Léopold Sédar Senghor siègent à l’Assemblée constituante française. En 1946, une Assemblée territoriale du Sénégal est élue au collège unique : elle désigne des parlementaires qui représentent leur pays et obtiennent de grandes améliorations (liberté de réunion et d’expression, abolition du travail forcé). L’activité politique s’accompagne de la création de partis distincts des organisations métropolitaines (fondation du Bloc démocratique sénégalais en 1948). alors que poètes, romanciers et historiens animent une intense vie culturelle.

Préparée par la loi-cadre de 1956, qui renforce les pouvoirs de l’Assemblée territoriale, l’évolution vers l’indépendance est accélérée par la création de la Communauté, recoupant des républiques autonomes et dont le Sénégal devient un État membre après le référendum du 28 septembre 1958.

Associés au sein de la Fédération du Mali depuis janvier 1959, le Soudan et le Sénégal demandent l’indépendance qu’ils obtiennent ensemble dans le cadre unitaire, le 4 avril 1960 (date de la fête de l’indépendance). Mais la Fédération du Mali éclate, et le 20 août 1960, l’Assemblée sénégalaise proclamé l’indépendance du pays.

Léopold Sédar Senghor est élu Président de la République sénégalaise le 5 septembre 1960. Il est réélu le 28 février 1978 et démissionne le 31 décembre 1980. Abdou Diouf, qui lui a succédé, est élu Président le 27 février 1983 et réélu le 21 février 1993. Le nouveau président, Abdoulaye Wade, en gagnant le scrutin du 19 mars 2000 est devenu le troisième chef de l’État sénégalais.

D’après Iba Der Thiam et Mbaye Guèye – Atlas du Sénégal – Edition Jeune Afrique, 2000.